Par Raymond Morin
En 2018, cela fera déjà dix ans que je m’intéresse au phénomène du marketing d’influence sur les réseaux sociaux, et que j’ai commencé à suivre son évolution. Et, jamais ce ne fut aussi populaire. Aujourd’hui, le marketing d’influenceurs est littéralement devenu le ¨buzzword¨ des marketeurs. Galvaudée plus que jamais, la notion d’influence dans les médias sociaux s’applique désormais à toutes les sauces. C’est devenu la nouvelle ¨poutine¨ de l’heure.
Le marketing d’influence vs la publicité
Tout d’abord, remettons les pendules à l’heure, et cessons de parler de marketing d’influenceur lorsqu’il ne s’agit, la plupart du temps, que de simples campagnes de recommandations, de porte-paroles ou de blogues commandités. Alors, SVP, parlons plutôt de placements publicitaires, ou de commandites de personnalités, car c’est ce dont il s’agit.

(Source : affaires.lapresse.ca)
Au risque de me répéter, le marketing d’influence dans les médias sociaux est tout le contraire d’un concours de popularité, basé sur la visibilité ou le nombre d’abonnés, mais plutôt une nouvelle approche de marketing beaucoup plus complexe qui repose sur plusieurs volets stratégiques. On ne s’improvise pas influenceur sur les réseaux sociaux du jour au lendemain, ça exige un processus qui impliquera plusieurs étapes, et qui prendront parfois plusieurs années avant d’obtenir des résultats concluants.
Même si n’importe qui peut devenir un influenceur des médias sociaux, l’influence se bâtit sur une crédibilité et une confiance, qui s’acquièrent avec la qualité et la pertinence des interventions (les contenus publiés) et des relations qui se développeront avec le temps. Il n’existe pas de raccourcis, et ceux qui voudront vous vendre des solutions – miracles pour devenir des influenceurs en moins de temps ne sont que des ¨influenceuratis¨. (Lire aussi : Influenceurs sur les réseaux sociaux : une pub qui n’est pas toujours déclarée)
L’impact véritable des influenceurs de niche et des célébrités
Avec l’émergence des plateformes de partages de contenus visuels et éphémères au cours des dernières années (Vine, Instagram, Snapchat), on a vu émerger une multitude d’influenceurs de niche et de micro-influenceurs. Plusieurs, véritablement animés par leur passion, ont exploités leur créativité et sont rapidement devenus très populaires dans leur communauté. Ces influenceurs peuvent traiter de modes, de voyages, de santé, ou encore de cinéma, de livres ou de jeux vidéo. C’est dans ce contexte d’ailleurs que plusieurs mamans blogueuses sont devenues des célébrités.
Cependant, ces influenceurs de niche n’exercent leur influence que dans un certain créneau, avec une certaine clientèle, et souvent, que sur une seule plateforme. Dans ce sens, le réel impact des influenceurs de niche et des micro-influenceurs pour les marques et les entreprises reste limité, à moins de planifier une campagne de recommandations très ciblée. Ce qui revient alors à du placement publicitaire.
Exactement comme George Clooney qui accepte d’être commandité par Nespresso pour tourner des pubs. Même si ces court-métrages s’avèrent souvent des bijoux, ça reste de la publicité. Avec ces pubs Nespresso, Clooney n’a sûrement ni la prétention, ni l’intention, d’influencer les vrais amateurs et connaisseurs de café.
La supercherie des fausses recommandations
En acceptant de participer à une campagne de recommandations pour une marque ou une entreprise, les influenceurs de niche deviennent en quelques sortes une nouvelle vitrine commerciale, et à ce titre, cette relation d’affaires doit être clairement déclarée aux consommateurs. Ils acceptent alors d’agir comme des annonceurs. Cependant, les influenceurs de niche doivent comprendre aussi qu’à chaque fois ils mettent en jeu la confiance qu’ils ont bâtis et qui s’est installée avec leurs ¨fans¨. S’ils veulent respecter cette confiance, leurs recommandations commanditées devront donc être faites en toute transparence. Ce qui représente évidemment un moins grand intérêt pour les marques qui les commanditent.
Pour éviter de prendre ce risque, plusieurs influenceurs de niche, de connivence avec les marques, ont choisi de ne pas révéler leurs liens d’affaires. Ce qui a rapidement entraîné les instances de règles publicitaires à réagir, et à resserrer les mécanismes de contrôle. En redéfinissant plus clairement les règles, la FTC et le bureau des Normes Canadiennes de la Publicité, obligent désormais les entreprises et les influenceurs à déclarer ces relations commerciales. Cependant, il faudrait que ces organismes cessent elles-mêmes de parler d’influenceurs dans des cas pareils, et parler plutôt de commandités.
Le marché noir des faux-abonnés et de l’astro-turfing
Ce n’est pas d’hier que le marché des faux abonnés (fake followers) et de l’astro-turfing se développe. Mais, aujourd’hui, avec la prolifération des sites de fausses nouvelles lors des récentes élections, le phénomène est devenu une véritable industrie. Partout dans le monde, des sites russes, chinois, arabes et anglais proposent des services de fausses nouvelles, et des lots de faux abonnés pour quelques centaines de dollars.
Ce qui a également entraîné la réaction des organismes de contrôles qui exigent désormais des sites visés d’exercer une plus grande vigilance. Facebook, YouTube, et Instagram ont récemment annoncés de nouvelles mesures pour contrer les fausses nouvelles et les faux abonnés. Ce qui aidera à démasquer les ¨influenceuratis¨ qui se sont créés une célébrité à coups (ou à coûts) de faux abonnés. C’est ce qu’on appelle aussi faire de l’astro – turfing. Ce qui n’a rien à voir, encore une fois, avec le marketing d’influence. Heureusement, de plus en plus, les gouvernements tendent à légiférer à ce niveau pour empêcher cette industrie de se répandre davantage.
L’illusion de majorité du ¨buzz¨ sur les réseaux sociaux
En 2016, des recherches scientifiques et universitaires, publiées par la MIT, ont démontrées que l’impression de majorité créée par un ¨buzz¨ sur les réseaux sociaux n’était en fait qu’une illusion trompeuse. Ces études révélaient en effet qu’au moment de la diffusion initiale d’une nouvelle par cet ¨influenceur¨, le message va se propager très rapidement, relayé instantanément par les ¨followers¨, qu’il s’agisse des vrais abonnés ou des ¨fake followers¨. Ce qui créera une certaine illusion de majorité. Pendant un instant, tout le monde semblera en parler, mais en fait, il n’en sera rien. À moins qu’ils ne deviennent viraux, et qu’ils ne s’étendent sur une plus longue période, l’engagement suscité par ces ¨buzz¨ demeurera finalement très éphémère. La seconde d’après, la nouvelle tombera aussi vite dans l’oubli.
Une autre étude, réalisée par la firme Marketly, a aussi démontré que sur Instagram, plus le nombre d’abonnés augmente, moins l’engagement se révèle significatif, tant au niveau des partages que des commentaires. Ce qui vient réduire à néant les avantages d’un grand achalandage. Et, même si Instagram (et Facebook), et les autres plateformes sociales, instaurent des règles plus strictes pour contrôler les supercheries, les entreprises et les marques devront elles-mêmes se montrer plus conséquentes pour ne pas tomber dans le piège des ¨influenceuratis¨ qui créent le ¨buzz¨ de l’heure.
La bulle artificielle des places de marchés d’influenceurs
Dans la foulée des influenceurs de niche et des ¨influenceuratis¨, qui se sont souvent bâtis des auditoires considérables à coûts de ¨followers¨, plusieurs nouvelles agences ont aussi vu le jour en proposant des services de mises en relations avec des entreprises ou des organisations. En fait, elles n’agissent finalement qu’en tant que nouvelles agences de ¨casting¨ ou de placement de services, en récoltant un pourcentage des engagements au passage. Encore une fois, il s’agit là d’une tactique publicitaire tout à fait régulière, et qui s’intègre parfaitement dans une stratégie de marketing numérique. Mais, il ne s’agit nullement de marketing d’influence.
Pendant un certain temps, ces agences ont créés et entretenus la croissance d’un nouveau marché artificiel, basées la plupart du temps sur de fausses données pour augmenter la visibilité. Les tarifs des influenceurs de niche ont alors connu une augmentation disproportionnée. Certains allant jusqu’à exiger jusqu’à 30 000 dollars pour quelques photos sur Instagram. Cependant avec les mesures de contrôle et d’éliminations des faux comptes et des fausses nouvelles mis en place par la plupart des réseaux sociaux populaires, cette bulle économique ne tardera pas à éclater. Graduellement, les plateformes de partages visuels et éphémères perdront de leur achalandage, et du coup, elles représenteront un moins grand intérêt pour les marques et les organisations qui se détourneront peu à peu de ce marché. Les places de marchés d’influenceurs devront alors proposer une plus grande panoplie de services pour continuer d’attirer et de répondre aux besoins de leurs clientèles.
Qu’en pensez-vous? Croyez-vous qu’il s’agissent de mythes qu’il valait la peine de débusquer, et que les organismes gouvernementaux ont raison de resserrer les mesures de contrôle? Partagez votre opinion en commentant cet article.
Laisser un commentaire