Par Raymond Morin
Pour en finir avec les ¨influenceuratis¨
En 2017, les scandales de fausses nouvelles, des fausses publicités, des faux comptes et des faux profils ont fait la manchette de tous les médias. Depuis le début de l’année, les cas de fraudes (ou à la limite) se sont succédés, révélés aux grands jours. Plusieurs études ont démontré l’existence de faux comptes et de faux abonnés notamment sur Facebook où il y aurait plus der 60 millions de sites automatisés.
Récemment, le New York Times publiait les résultats d’une enquête qui révélait l’existence d’une véritable usine à faux comptes, Devumi, une entreprise qui gère 3,5 millions de faux comptes et plus de 200 000 clients à qui elle vend des followers sur Twitter, des visionnages sur YouTube, des écoutes sur SoundCloud et même des recommandations sur LinkedIn. Parmi ses clients, on retrouve des étoiles de la télé réalité, des athlètes, des comédiens, des conférenciers TED, et même des multimillionaires, comme Michael Dell. Devumi aurait aussi joué un rôle important durant la campagne de Donald Trump.
Depuis le début de l’année, les ¨influenceuratis¨ tombent aussi comme des dominos. Aux USA, il suffit de mentionner les cas célèbres de ¨Youtubers¨ avec leurs fausses recommandations (comme PewDiePie et la WarnerBros. Games), et les faux comptes sur instagram (Calibeachgirl310, Wanderingggirl), sans oublier le débat qui persiste toujours sur la manipulation de l’opinion populaire avec les fausses nouvelles durant la dernière campagne présidentielle. En France, il y eu aussi le cas de la campagne publicitaire déguisée avec Louise Delage sur Instagram, tandis qu’au Québec, plusieurs faux profils (ou coquilles vides) sur Instagram, Facebook et YouTube soulèvent de sérieux questionnements, et se trouvent probablement déjà sous enquêtes.
Tous ces ¨influenceuratis¨ ne vendaient finalement que des chimères, fondées sur de fausses représentations. Et, ils ont été démasqués. Tel est pris qui croyait prendre… Les entreprises et les organisations qui se sont ruées tête baissée sur la voie facile de la popularité, commencent à déchanter et réalisent, soit qu’elles se sont fait berner, soit que leur manège frauduleux risque de leur sauter à la figure (si ce n’est déjà fait).
Faire la différence entre marketing d’influence et publicités
Depuis que Facebook et Instagram ont décidé de resserrer leur algorithme pour endiguer le problème, et de limiter la portée des utilisateurs à 30 % de leur auditoire, en choisissant les contenus qui apparaissent sur le fil de nouvelles, la portée organique des entreprises a dramatiquement chutée. Et, ceux qui se sont laissés berner par l’appât du gain facile et de la popularité en achetant des faux abonnés devront vite modifier leur approche. Ils leurs faudra alors payer pour se positionner, ou miser davantage sur les véritables influenceurs pour rejoindre leur clientèle. Ils devront alors faire preuve de plus d’authenticité dans leur démarche.

(Source : theguardian.com)
Finalement, c’est probablement une bonne nouvelle pour les influenceurs, car ça permettra enfin de faire le ménage, et de redéfinir le véritable rôle du marketing d’influence sur le Web et les réseaux. Les marques, comme les entreprises et les organismes, doivent cesser de parler de marketing d’influenceurs lorsqu’il s’agit en fait de publicités déguisées. C’est d’ailleurs ce que stipulent dorénavant, et très clairement, les nouvelles règlementations adoptées suite aux enquêtes. Payer George Clooney pour devenir le porte-parole de Nespresso, ou Guillaume Lemay-Thivierge pour Nissan, n’est rien d’autre qu’une forme de publicité. Ils ne sont embauchés que pour leur talent de comédien, leur popularité et leur portée. Ni un, ni l’autre d’ailleurs ne se prétend autrement.
L’influence sur les réseaux sociaux repose sur la qualité des relations
Lorsqu’il s’agit de définir l’influence sur le Web et les réseaux sociaux, il y a plusieurs critères à considérer. La popularité, la portée du réseau et l’amplification du message sont certes à considérer, mais en bout de ligne, ils restent secondaires car ils peuvent être facilement faussés ou contournés. Des études scientifiques comme celle du MIT Research l’ont d’ailleurs démontré à quelques reprises durant l’année. Contrairement à la publicité, le succès du marketing d’influence repose principalement sur des mesures qualifiables, ce qui le rend moins attrayant pour les marketeurs parce qu’il n’est pas mesurable selon les standards quantifiables des algorithmes.
Le marketing d’influence relève plutôt d’un amalgame de compétences et d’expertises, de crédibilité et de notoriété, démontrables et pouvant être validées par les utilisateurs. Pour rebâtir leur réputation et susciter à nouveau l’engagement, les entreprises et les organisations devront démontrer une plus grande authenticité, en apportant une véritable valeur ajoutée pour les utilisateurs. Et, s’investir davantage dans de nouvelles relations à plus long terme avec les leaders d’opinion, les influenceurs de niche et les micro-influenceurs pour développer et diffuser des contenus de qualité.

(Source : Traackr.com)
En 2017, Traackr et TopRank Marketing se sont associés pour réaliser une étude à grande échelle, que Brian Solis a analysée en détail : «Influence 2.0 – The Future of Influencer Marketing». Pour ce faire, ils ont interrogé plus de cent marques leaders dans le monde (3M, Adobe, Amazon Web Services, American Express, Diageo, Microsoft, et bien d’autres). 70% des répondants provenaient d’entreprises de plus de 1 000 employés, dont 36% sont maintenant des entreprises citées dans le Fortune 1000.
Selon cette étude, la création et la production de contenus représente actuellement 22% de tous les budgets marketing numériques, comparé aux relations publiques qui en recueillent le cinquième (20%) suivies des événements (17%), des technologies (13%), des agences marketing (12%), influencent (10%) et les services de conseil (6%), qui partagent près de 80% des budgets alloués et plus de la moitié déclarent investir moins de 100 000 $ dans leur budget de marketing d’influence, dont 25% investissent entre 100 000 $ et 250 000 et 12% entre 250 000 $ et 500 000 $.
L’un des premiers points qui ressort du rapport de l’étude de Traackr / TopRank Marketing est que le véritable potentiel du marketing d’influence sur les réseaux sociaux repose sur la qualité des relations développées avec les influenceurs. Cependant, Solis observe encore un certain manque d’investissements des organisations, ce qui entraîne un retard dans l’intégration des priorités stratégiques.
Citant son collègue, il nous rappelle qu’il est grand temps que le marketing d’influence prenne plus de maturité : ¨Le retour sur la relation (RonR) est la valeur ajoutée qu’une personne ou une marque apporte à travers une relation sur une longue période. Elle démontre la confiance et la loyauté de l’influenceur envers la marque, et cette authenticité est ensuite relayée plus efficacement aux consommateurs¨- Ted Rubin, CMO Brand Innovators.
La convergence naturelle du marketing de contenus et d’influence
Aujourd’hui, le marketing de contenus et les relations avec les influenceurs forment une combinaison gagnante et une paire indissociable, le Yin et le Yang du marketing digital. Les entreprises et les organisations comprennent maintenant que ce n’est que par la pertinence des contenus diffusés qu’elles parviendront à regagner la confiance des utilisateurs et à se démarquer sur les réseaux sociaux. Et, que ce n’est qu’en privilégiant la qualité et l’authenticité des relations avec les influenceurs qu’elles optimiseront la portée de leur message.
En analysant les rapports annuels 2017 sur la commercialisation des contenus B2C et B2B, produits par le Content Marketing Institute en collaboration avec MarketingProfs, on peut constater d’ailleurs que les budgets consacrés au marketing de contenus au cours de la prochaine année augmenteront autant dans le secteur B2C (81%) que B2B (84%).
¨Les plateformes et les règles d’engagement changent. Et les attentes des consommateurs sont très différentes de ce qu’elles étaient il y a quelques années. Aujourd’hui, nous devons simplement mieux comprendre ces nouvelles fondations pour pouvoir se démarquer. Les lecteurs seront toujours attirés par des écrits pertinents, intéressants, actuels et attrayants. Si vous produisez et publiez régulièrement du contenu répondant à ces trois critères, inévitablement, cela vous attirera un lectorat. La partie la plus difficile de tout cela, et le plus important, est de rester intéressant et divertissant. Toujours se demander comment notre contenu va captiver le public, comment il nous aide à se démarquer dans le fouillis d’informations qui circulent sur le web. Nous devons constamment nous demander : est-ce le genre de contenu que vous aimez, et que vous aimeriez partager ? ¨, expliquait Mark Schaefer dans une interview. Il y a cependant plusieurs aspects à une stratégie de marketing de contenu, et il y a beaucoup d’étapes inévitables qui ne doivent pas être négligées ou écartées avant d’atteindre ses objectifs. Une planification efficace est davantage une question d’approche stratégique que de tactiques et d’outils.
À l’ère des médias sociaux, les consommateurs connectés (B2C), comme les acheteurs professionnels (B2B), sont toujours mieux informés, et arrivent souvent plus informés que le vendeur sur les produits qu’ils recherchent. Ainsi, les contenus proposés doivent pouvoir répondre à leurs questionnements et être principalement axé sur leurs besoins. Les entreprises devraient donc éviter de se concentrer uniquement sur la valeur des solutions de l’entreprise. Avec les réseaux sociaux, les entreprises et les professionnels doivent cesser d’en parler et faire preuve d’empathie. Elles doivent cesser de vouloir vendre à tout prix, et devenir plutôt des guides dans le parcours des consommateurs.
Aujourd’hui, ces ¨consomm’acteurs¨ exercent un pouvoir d’influence indéniable sur les entreprises et les marques, et ils en sont de plus en plus conscients. Ils exigent d’être considérés comme des individus, des individus et des êtres humains, et de répondre à leurs questions ou plaintes en temps réel. Les organisations doivent donc se positionner efficacement sur les réseaux sociaux, pour pouvoir répondre à tout moment. C’est le principe de base de la prospection connectée, ou “reverse marketing“.
Bâtir son influence avec les blogues : le cas Intelligentsia Coffee
De nombreux professionnels et entreprises exploitent déjà les blogs et le marketing de contenu pour se forger une réputation forte et enviable sur le web et les médias sociaux, comme la chaîne de torréfaction d’Intelligentsia Coffee aux États-Unis. Au début, en 1995, deux grands amateurs de café de San Francisco, insatisfaits de la qualité du café qu’ils pouvaient trouver, le couple Doug Zell et Emily Mange, ont décidé d’ouvrir leur propre boutique de torréfaction et de proposer leur propre café. Après des débuts plutôt difficiles, ils déménagèrent et ouvrirent une nouvelle boutique dans le quartier éclectique de Lakeview à Chicago. Dans ce nouvel environnement hipster, installé avec leur équipement plutôt ancien dans la boutique pour torréfier sur place, et démontrer leur savoir-faire dans une ambiance artisanale, ils ont rapidement obtenu un succès d’estime, et une fidélité de leur nouvelle clientèle. Ils ont profité de l’occasion pour élargir leur réseau, partager leur expertise et leurs connaissances sur les réseaux sociaux, avec un blog et un livre blanc, leur permettant de contribuer à une chronique régulière dans le prestigieux magazine Brew Guide.
Aujourd’hui, 22 ans plus tard, Intelligentsia Coffee est devenue une chaîne de cafés / torréfacteurs dans cinq grandes villes stratégiques, implantées dans les quartiers les plus fréquentés par leur clientèle (générations X et Y), qui servent et vendent uniquement ses propres produits, mais aussi marques sophistiquées de machines dont ils sont devenus des partenaires d’affaires. Leur expertise en torréfaction est largement reconnue dans chaque ville, et ils offrent même des laboratoires de formation sur place. Et leur stratégie de marketing de contenus sur les réseaux a attiré 52 000 abonnés sur Twitter, 60 000 sur Facebook et près de 135 000 sur Instagram.
(Note de l’auteur : Plusieurs segments de cet article se retrouveront dans mon nouveau livre : Generation C – Le marketing de confluence à l’ère des consommateurs connectés, qui paraîtra à l’automne. Il est actuellement disponible en anglais. Profitez de l’offre de lancement pour réserver dès maintenant votre copie dédicacée en français)
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